20 Years In A Montana Missile Silo

Pochette 20 Years In A Montana Silo

Cherry Red Records / BRED708 (GB), 29/09/2017

  1. Monkey Bizness
  2. Funk 49
  3. Prison Of The Senses
  4. Toe To Toe
  5. The Healer
  6. Swampland
  7. Plan From Frag 9
  8. Howl
  9. Red Eye Blues
  10. Walking Again
  11. I Can Still See
  12. Cold Sweat

Vinyle :
Face 1 : titres 1 à 7
Face 2 : titres 8 à 12

Textes

David Thomas : voix
Keith Moliné : guitare
Gary Siperko : guitare
Kristof Hahn : steel guitar
Robert Wheeler : synthétiseurs analogiques, theremin
Michele Temple : basse
Steve Mehlman : batterie, percussion, voix
Gagarin : synthétiseurs numériques
Darryl Boon : clarinette (et plus)

+ Roshi, voix sur I Can Still See

Titres : Pere Ubu / David Thomas

Production : David Thomas
Ingénieur du son : Paul Hamann
Studios : Suma (Paisneville/Ohio)
Masterisation : Nick Watson (Fluid Mastering/Londres)

Pochette : Keith Davey (Altmark Creative)

Enregistrement

L'album a été enregistré entre mai 2016 et janvier 2017 aux studios Suma (Paisneville) par le fidèle Paul Hamann. Le mixage a été réalisé en janvier et février 2017.
Au cours de l'enregistrement, le steel-guitarist, Kristof Hahn (The Swans) intègre officiellement le groupe.

Editions

Label Référence Pays Date Commentaires
Cherry Red Records CDBRED708 GB/ROW 29/09/2017 cd
Cherry Red Records BRED708 GB/ROW 13/10/2017 lp
Hearpen - Ubu Projex HR214 Monde Juin 2020 dl

Pour l'édition numérique Hearpen de 2020, ce sont les fichiers 96khz / 24 bit préparés pour l'édition vinyle qui ont été utilisés.

Chroniques

Le Canal Auditif - Stéphane Deslauriers, Octobre 2017 (Canada)
Sun Burns Out - Benjamin Berton, 12 octobre 2017 (France)
Premonition - Yannick Blay, 22 février 2018 (France)

Quelques réflexions personnelles
Le dernier album de Pere Ubu est bouleversant. David Thomas y est bouleversant, c'est comme s'il avait tant à dire, à se dire, à nous dire et qu'il veut s'exprimer avant de partir. Tout le disque se ressent de cette urgence : les titres sont courts, souvent rapides ; pas de fioriture, pas de solo, pas de développement. Et lui, David !, se met en avant - la voix est mixée fort - car il veut être là tant qu'il est encore temps. Il veut être dans cette musique, avant qu'elle ne continue sans lui. Et c'est ce qui va arriver ; la musique présente est encore son monde, sa géographie et elle est toute entière à son service mais il est clair que ce combo de musiciens ira encore très loin, au-delà de David : ce qu'il nous donne à entendre sous la voix est tout simplement fort, varié, habité, inspiré. Et puis, il y a les paroles... Et elles font peur car David Thomas y donne à lire son état présent (physique et psychologique aussi sans doute).
Ainsi : Stay sick, why fake it ? dans Monkey Bizness ; il ne faut pas cacher qu'on est malade.
And I see too much
Oh, and I see too much
And I see too far
and I see too much
It's been going on too long
dans The Healer,
I can still see
Oh, how the world offends me
So, it's good to know
there's a science of time
when some people say, It's time to let go
dans I Can Still See.
Mais le plus explicite est Cold Sweat, qui prend à la gorge car il y décrit sa fin prochaine. C'est un titre à faire monter les larmes aux yeux. Il chante faux ou "presque juste" car il ne s'agit plus de se cacher, de faire bonne figure, de réussir sa chanson, non il est au-delà de cela, il se montre tel qu'il est, tel qu'il ressent ce qui lui arrive :
Hold me close
I feel the time running out
I know you must feel it too
I feel the notion to dive in an ocean
I am the diving duck for a new day
we will never see
Hold me close
I feel the time running away
I know you must feel it too
Sometimes I feel am ocean
Hold me close
.
C'est on ne peut plus clair avec la métaphore de l'océan... Ce final est terrible.
Pascal Godjikian (janvier 2018)

A trente miles de Cleveland
Le voyage de Pere Ubu commence en 1975 dans les terres désolées, spectrales et à moitié abandonnées de la Cleveland post-industrielle, The Flats. Cleveland est l'arrière plan des premiers albums. On croirait en apercevoir des visions nocturnes et mystérieuses dans les sons de leurs chansons. La ville reviendra encore souvent dans d'autres morceaux et le lien profond que le groupe entretient avec la ville restera, pour certains aspects, indissoluble : par exemple, tous les disques, ou presque, y compris ce dernier, sont enregistrés dans le studio Suma à Painesville à 30 miles de Cleveland.
Au fil des années, le scénario s'agrandit et devient l'Amérique toute entière racontée à travers des images qui sont le miroir de l'âme du narrateur : les autoroutes perdues, les routes secondaires, les stations de service désaffectée, les diners où il encore possible d'écouter les chansons des juke-boxes.
Parfois il s'agit de véritables visions, des projections d'une géographie intérieure des personnages qui, prenant les souvenirs et les rêves pour la réalité, fréquentent des lieux qui n'existent plus, que le temps a changé ou effacé et, perdus, ils voient leur vie s'éloigner à la dérive. Ils habitent des Ghosts Towns, les nowheres places que David Thomas a souvent évoquées dans ses chansons.
Et c'est certainement un lieu qui n'existe pas, pour le monde extérieur, duquel proviennent les derniers reportages d'un voyage qui continue encore aujourd'hui : un site de missiles dans le Montana.
C'est là qu'a vécu 20 ans - toute sa vie - celui qui nous fait signe en souriant de la couverture du nouvel album, le 17e en studio de Pere Ubu.
Enregistré à Suma, comme nous l'avons déjà dit, avec Paul Hamann, le technicien de toujours, l'album voit l'entrée de deux nouvelles guitares. Tout d'abord, celle du magnifique Gary Siperko, membre des RFTT et qui était déjà en tournée avec Pere Ubu l'hiver dernier et la steel de Kristof Hahn qui a souhaité participer à ce projet, "même avec un petit rôle".
David Thomas produit l'album et met en oeuvre, pour l'occasion, une nouvelle méthode de travail appelée The Dark Room (ressemblant au jeu qui consiste à deviner un objet sans le voir mais seulement en en touchant une partie). La méthode utilisée pour les deux albums précédents, pas tellement différente il faut le dire, est abandonnée puisque que devenue familière et qu'au contraire, c'est à partir de situations nouvelles et pénibles que des résultats intéressants découlent. L'idée est celle de rassembler les visions partielles, différentes, contrastées de la chanson (l'objet) qui impliquent chaque musicien, dans le but de reproduire de cette manière l'expérience humaine de raconter, et, plus en général, de vivre.
En passant de la théorie à la pratique, nous nous retrouvons dans un tourbillon de vitesse, électricité, crépitement métallique : les premiers morceaux (Monkey Bizness, Funk 49, Toe To Toe, Swampland) défilent rapidement. Ils sont les exemples entraînants, scintillants de l'ancien mais toujours neuf rock'n roll.
Puis les rythmes ralentissent et les sonorités s'élargissent en frôlant des domaines différents. Nous avons ainsi le merveilleux blues de pleine lune, The Howl et une I Can Still See aux nuances orientales, grâce notamment à la contribution de la chanteuse d'origine iranienne, Roshi.
Magnifique aussi est la chanson Plan From Frag 9, avec un texte subtilement ubuien : "I'm like a pencil, there's two ways to look at it, the sharp part leaves a mark, the pushy part takes the mark away".
Mais ce sont peut-être les chansons les plus lentes, par leur douloureuse beauté, l'inhabituel ton d'intimité et des considérations tristes et vibrantes, qui laissent une marque encore plus profonde : THe Healer, presque une ballade acoustique et la chanson finale, Cold Sweat.
Et alors, quand on regarde la pochette, ce signe de loin nous paraît maintenant un adieu mélancolique, comme cela se passait aussi avec les protagonistes d'autres chansons du passé, Visions Of The Moon ou Prepare For The End par exemple.
La mélancolie est liée au temps qui passe, aux choses qui finissent, et aussi à ce type qui nous intrigue et dont nous n'aurons plus de nouvelles et qui va, peut-être, nous manquer. Cela parce qu'en fait il nous ressemble un peu et on ne serait pas étonné que la musique qui sort du petit appareil à côté de son lit de camp, dans son silo, soit effectivement celle de nos adorés Pere Ubu : "Music that doesn't fit and tends to attract people who also don't fit", comme a dit David Thomas une fois.
Gabriele Carlini (octobre 2017)
(Traduction de l'italien : Valerio Di Cristofano)
P.S. : petite chronique dédiée à Paul Hamann, disparu à 62 ans. 20 Years In A Montana Missile Silo restera son dernier album. Goodbye Paul.

Noise #41, novembre 2017, chronique album 20 Years

Noise, 41, nov.-déc. 2017

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